Donner un soufflet à Ronsard [dòné ê suflè a rôsar]

Donner un soufflet à Ronsard

Fig. A. Pierre de Ronsard croivant qu’il va aller au coiffeur.

[dòné ê suflè a rôsar] (loc. verb. PAF.)

Souvenez-vous : à Cassandre. Souvenez-vous de ces vers.

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée,
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.

Souvenez-vous de ce déclose qui vous posa tant de problèmes car vous la préfériez éclose, la rose. Souvenez-vous de cette vesprée tellement plus difficile qu’une fin d’après-midi. Et même cet accent circonflexe qui chapeaute le vôtre, était aussi complexe.

À chaque fois que de déclose vous omettiez le dé, à chaque fois que du vôtre vous ne prononciez pas l’abîme emphatique conféré par l’accent, vous donniez un soufflet à Ronsard.

Ainsi depuis le premier vers du prince des poètes décrit-on la faute de langue, l’accord détonant, la raie qui n’aime vraiment pas la scie, le désaccord du participe passé qui devrait s’accorder…

La routourne tourne

Donner un soufflet à Ronsard s’applique bien entendu hors l’œuvre en ode, en hymne ou en sonnet du maître. Tout un chacun pourra aisément donner un soufflet à Ronsard avec un hideux croive, avec un pléonastique au jour d’aujourd’hui, avec un inventif routourne qui tourne¹, avec un drôlatique il ne faut pas brûler la peau de l’ours avant de l’avoir tué².

Quelle que soit notre capacité à maîtriser le dribble, la reprise de volée, l’aile de pigeon et le coup du chapeau, nous avons tous, footballeur ou premier de la classe, donné un jour ou l’autre un soufflet à Ronsard, et en giflant de la sorte le gentilhomme Vendômois, tiré un peu trop fort sur la langue française. Oui, tous ! Il n’y a aucun innocent.

Hommage posthume à la joliesse lyrique du rimeur, donner un soufflet à Ronsard a tranquillement rejoint son sujet au prieuré de Saint-Cosme (Indre et Loire), tant le soufflet est devenu violent, véritable bourre-pif asséné par une syntaxe qui n’a désormais pas que ça à faire de se préoccuper d’une étymologie non-mais-des-fois-y’en-a-qui-bossent !

Il est moderne et commun qu’on voye, qu’on croive, comme si que cela aurait de l’importance puisqu’on va au coiffeur aussi facilement que chez la mère à Titi.

Je crains que ta robe pourpre n’ait perdu cette couleur si unique du soleil qui se demande s’il est l’heure d’aller se coucher, Cassandre (et toutes les autres). C’est triste mais qu’est-ce qu’on se marre !

¹Franck Ribery, le 5 septembre 2013.
²Franck Ribery, le 5 septembre 2013. Oui…

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