Smiley [smilɛ]

Fig. A. Souriez, vous êtes filmés.

[smilɛ] (marq. dép. SOURI.)
Toi le djeuns’ qui pense avoir inventé le sourire avec le double point suivi d’une parenthèse fermante (voire deux en cas de gros fou-rire – méga LOL ;)), tu risques de tomber de ton fatboy® en lisant ce qui suit. On reste calme et on boit frais car cette définition d’une figure délicieusement surannée pourrait s’avérer ravageuse.

Directeur de la Harvey Ball Advertising, petite agence de publicité du Massachussetts, Harvey Ball reçoit en 1963 commande de son client, la State Mutual Life Assurance of Worcester, d’une idée capable de redonner le moral à ses troupes. Il faut bien dire que travailler dans l’assurance vie c’est plutôt déprimant et les employés de la SMLAW ont perdu leur légendaire sourire commercial depuis l’assassinat de JFK qui a traumatisé l’Amérique. Or on ne vend pas d’assurance si on ne sourit pas. Et the business must go on.

Harvey qui a son coup de crayon dessine une idée simple : un rond jaune soleil pour faire une tête, deux yeux ovales et un large sourire aux commissures marquées. Une sorte de tête à Toto mais en plus rigolo. Le smiley est né.

Harvey touche 45$ et retourne imaginer des réclames. Personne ne crie encore au génie planétaire, chacun pensant qu’Harvey a procrastiné et gribouillé ce truc en cinq minutes. Pourtant le smiley de Harvey va connaître une carrière iconique, à la manière de l’image du Che contemplant l’horizon (ou encore du numéro de février 1983 de Lui avec Corynne Charby, mais ceci est une autre histoire).

Tout simplement parce qu’il sourit et qu’il a l’air sympa, le smiley va se multiplier jusqu’à envahir des millions de tee-shirts, de tasses à café, d’autocollants qui orneront la lunette arrière de la Simca, à côté de la main de Pif Gadget. Comme quoi on gagne toujours à se montrer souriant. Enfin, pas tout le monde…

Car ce brave Harvey Ball va se faire rouler dans la farine puisqu’il ne touchera pas les dividendes de sa création, omettant, distrait qu’il est, d’enregistrer son sourire jaune. C’est même un Français qui bâtira, lui, sa fortune sur le smiley, racontant à qui veut bien l’entendre qu’il a dessiné le premier smiley en 1972 pour les colonnes de France Soir alors qu’il fut simplement le premier à en protéger les droits. Se voulant magnanime le bonhomme n’attaquera en justice ni les trafiquants d’ecstasy gravant le smiley sur leur pilule de méthylènedioxy-méthamphétamine, ni les milliards d’émetteurs de SMS l’utilisant quotidiennement pour souligner leur hilarité et leur alacrité électroniques. On ne l’en remerciera jamais assez.

Symbole des années surannées où l’on pouvait se gausser de tout à condition de le faire avec esprit, le smiley s’étiole en entrant dans une modernité au sourire contrôlé par des rires enregistrés ou par des autorités invisibles veillant sur le bon mot.

Quoi qu’en dise le clavier des modernes Smartphones, le smiley est vraiment suranné : des chercheurs en ont même trouvé un dessiné sur une jarre, il y a 3700 ans, dans la cité antique de Karkemish¹…

Harvey n’avait rien inventé.

¹Authentique !

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