La cagoule [la kaɡul]

Fig. A. Soldats de l’armée russe béats devant les cagoules anglaises.

[la kaɡul] (n. comm. BONNET.)

On est évidemment en droit de se demander ce qui a bien pu passer par la tête des responsables de la mode vestimentaire des années surannées.

À double titre l’on s’interrogera au cours de la présente étude sur leur rapport à l’humanité que l’on pourrait trouver cruel.

Donner à un accessoire de mode le nom d’une organisation fasciste relève en effet d’une bien étrange réflexion sur l’habit. L’Organisation Secrète d’Action Révolutionnaire Nationale, plus communément connue sous le surnom moqueur de La Cagoule, regroupait depuis les années 30 de nombreux activistes anticommunistes, antisémites et antirépublicains qui préféreront le climat vichyssois à celui du Vercors quand viendront les jours sombres : une bien irritante Cagoule ce faisant. Mais ceci est une autre histoire qui nous éloigne du véritable traumatisme générationnel créé par la cagoule.

La cagoule, celle qui couvre le chef, aplatit les cheveux, gratte la tête et peut le cas échéant se machouiller, est en réalité originaire de Crimée et plus précisément de la ville de Balaklava (Балаклава).

Utilisée par les soldats de la perfide Albion combattant l’Empire Russe pendant la guerre de Crimée (1853-1856), elle s’impose au monde (avant de s’imposer à la mode) le 25 octobre 1854, quand dès cinq heures du matin grondent les canons de l’armée russe dans la plaine de Balaklava, du côté de Sébastopol. Cette bataille fera émerger une expression surannée (la fameuse « charge de la brigade légère » synonyme d’absurdité absolue) et un article de bonneterie, la cagoule utilisée par les Highlanders du 93rd Foot Regiment pour ne pas se geler les oreilles¹.

L’enfant des années surannées comprendra donc qu’il doit la cagoule et conséquemment cette démangeaison permanente et cette transpiration poisseuse du crâne qui l’irriteront chaque hiver, à la guerre et aux Écossais. Mais son calvaire ne se cantonnera pas à sa jeunesse.

Bien au-delà de cette période où il est habillé par maman, la cagoule le poursuivra. En effet, avec ses couleurs orange, rouge, verte, la cagoule permettra en sus de figer avec force sur des Polaroid le ridicule du port contraint de la pièce tricotée, créant pour la postérité des images humiliantes.

Le 20 novembre 1989, l’assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies adopte la Convention internationale des droits de l’enfant qui envoie pour de bon la cagoule en surannéité². Tous ceux qui conservent en mémoire ses méfaits gratouillants demeurent vigilants, prêts à la repousser vers le néant si elle ou son homographe majuscule se mettaient en tête de se poser à nouveau sur les nôtres.

¹Leurs kilts les amenant certainement à se geler d’autres parties sensibles du corps.
²Elle y retrouve d’ailleurs la charge de la brigade légère.

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